Peinture de Jean-Louis Petit 1838"Vue du quai Napoléon" à Cherbourg Musée Thomas-Henry https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/31/Vue_du_quai_Napol%C3%A9on_de_Cherbourg_en_1838%2C_Petit.jpg |
« Ce
matin, après avoir enfilé mon pantalon, comme d’habitude, une chemise, aussi
comme d’habitude, mon chat s’étira, comme d’habitude sur le lit, je me dirigeai dans mon atelier, aux parfums
d’huile, de vernis et de différentes térébenthines, pour y revêtir ma blouse.
Ce
matin, c’est décidé, j’entreprends un nouveau tableau ! Mes couleurs sont
prêtes, la toile apprêtée, 2,00 x 1,10 m, je vais recouvrir, modestement, tout
cela de détails, pas besoin d'échafaudage, ce n'est pas demain que je me
lance comme M. Géricault à l’assaut d’un radeau de la Méduse et son écran
géant, moi ce n’est qu’un très bon téléviseur plat pas courant dans nos foyers.
Pour
choisir le sujet, il n’y a qu’à consulter mes croquis, mes notes de voyages en
Normandie, mes souvenirs de mes lents
déplacements en calèche, les sortir de la naphtaline, ils ont bien trois ou quatre ans. Oh !
Pas mal, je me surprends, c’est moi qui les ai faits, avec un drone et un
appareil numérique s’eut été plus simple, car depuis un certain temps mes
compositions se produisent autour d’un point de vue impossible car comme
quelques confrères depuis les Montgolfier notre œil grimpe sans en référer à
une divinité ! Alors connaissant un peu les principes de la perspective
nous pouvons nous déplacer dans l’espace sans choquer nos admirateurs. D’ailleurs
d’autres peintres commencent à pratiquer des points de vue en hauteur pour
surtout mieux indiquer le paysage et son activité.
Passionnément, je suis prêt à des concessions afin de
rendre ma peinture plus parlante mais sans dénaturer les éléments au point où
mes contemporains ne reconnaissent rien à ma représentation, il faut que cela
soit réel. Un phare, je l’agrandis un peu ! Et une tempête, c’est sans
souci ! Et puis c’est joli ! Mais à Cherbourg, faudrait que je fume
un joint pour la calmer cette tourmenteuse aquatique, ne pas en faire de trop,
surtout si j’y pose quelques embarcations avec des gens pour fournir une
échelle de grandeur ! Pas mal aussi, cette série sur la grève à marée
base, il n’y a plus que des flaques d’eau et quelques crabes ! Ce n’est
pas grave, je vais y mettre la mer, ça fera de beaux reflets ! Un grand
ciel, avec du bourouloulou dans l’air, mon paysage urbain à droite, le reste la
mer chahutant ! Oui, le Sud, le soleil derrière, une image à contre jour
et des jolis effets de miroir ! Je le tiens mon tableau, une fraîcheur
d’après l’orage !
Avec
ces constructions, ces façades sombres et fermées, formant une vraie falaise
que je n’ai pas vraiment, correctement esquissée, une masse non définie, je
vais encore un peu inventer, quelques
petites ouvertures, des jours de souffrance et des égouts
vomissant !
Oh !
Je vais la cacher cette tour d’entrée de l’église, trop neuve, pas assez
romantique !
C’est
en place avec cette veuille tour, l’église, cette dentelle gothique, ce bord de
quai rugueux d’irrégularités, cette lumière éblouissant les vagues, cette grande
ombre à droite, tiens, deux pointes de couleur pour réveiller le coin, et une peu de vert, ces
petits navigants, recevant le souffle et le gros clapot sonore des éléments,
fuyant les hauts fonds, je mettrais bien deux bateaux en arrière plan, et ce
signal, cet obélisque, cette balise magnifique, magnifique de symbolisme, ma
respiration s’est accentuée, je vide d’un coup mes poumons et doucement, je
reprends la maitrise de mes soupirs, à défaut de haschisch, je vais me taper un
verre de Pauillac, château Pedesclaux, le début du litre par jour qui nous sera
conseillé par l’institut Pasteur. Et j’attaque le problème avec vanité,
Coco ! Celle qui se raille de la mort !
Ce tableau, il finira dans un musée avec un
autre titre, il sera rapidement entrevu sur internet et on lui fera dire
des conneries, mais il va être bien, ce tableau !
Ils vont me calculer en disant que ce n’est pas réel, comme pour une photo numérique qui
est trop belle pour être vraie, elle doit-être retouchée avec Photoshop
! »
Capture sur Wiki manche à l'époque de cet article! Le peintre avait raison, comme toujours avec Aragon |
Recherche sur la construction du tableau.
Montage redonnant aux constructions leurs proportions. L'obélisque n'est plus qu'un beau menhir bien taillé ! |
Les cherbourgeois reconnaitront leur ville, certain savent
que la tour dite « de l’église » a été démolie très tard mais ces
habitations au droit du rivage et
surtout cet obélisque qu'ils considèrent
tous comme un fantasme de peintre
romantique !( Voir https://www.wikimanche.fr/Place_Napol%C3%A9on_%28Cherbourg-Octeville%29
)
Les fautes : La barquette chargée, naviguant à cette
hauteur de marée pratiquement sur les cailloux et rochers
La pente de la couverture des maisons du premier plan, cela
ressemble à l’Italie avec du linge à sécher
Les proportions de la tour et de l’église, un peu trop
d’élancement, elles sont également trop écartées, et surement la hauteur des
maisons du bord.
Le point de vue n’est possible qu’avec un ballon et on ne sort pas en ballon avec ce temps
Le point de vue n’est possible qu’avec un ballon et on ne sort pas en ballon avec ce temps
Le titre, la place ou le quai n’ont pris le nom de Napoléon
qu’en 1840 après le retour des cendres
Très peu de chose au total, en somme, le reste est vrai !
Très peu de chose au total, en somme, le reste est vrai !
D’abord les maisons
du rivage, ce n’est mentionné nulle part sauf quelles sont dessinées sur
le cadastre dit napoléon et sur d'autres plans, on y distingue même la rampe de descente sur la grève!
Le cadastre de 1826 nous indique des habitations en bord de
mer ! ( d'autres cartes également mais pas aussi précisément)
La place du Rampart s’appuie sur un quai formé par les fondations de la fortification Nord.Dans l’angle, les petites parcelles enchevêtrées semblent faire taudis, pas glorieux pour la ville. http://www.archives-manche.fr/ark:/57115/a011276094168hO7v5H/c2dbcbb61d |
Et l’obélisque, fantaisie, mais il est indiqué sur des
cartes de l’époque comme un signal, une balise d’alignement avec l’amer du
clocher de l’église d’Octeville indiquant l’entrée Est de la rade avec sous la
quille, les meilleurs bas fonds.
Plan établi après 1840, source GalicaEdition 1850 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530849690/f1.item.zoom |
Nous pouvons seulement douter de la forme exacte de cet
objet qui sur ce tableau, semble être un monolithe ! Matériaux, surement
pas plâtre mais un peu de ciment ! Ou du bois ! Pierre ! Mais
comment ?
Et également se poser la question du pourquoi la balise est-elle implantée sur la grève, pour, peut-être, ne
pas mêler le civil à la marine, ou est-ce à l’origine, et cela semble plus
simple, une marque indiquant un haut fond
rocailleux qui fut détournée en amer avec la construction de la grande digue.Agrandissement du plan. A noter le cône N°5 ( voir notice) une balise sur la grève ! |
Ici, il n’est pas impératif d’émettre une conclusion, elle
est téléphonée, à l’évidence les éléments représentés sur cette toile ont une
réalité historique mais sont interprétés et déformés et encore par nos
contemporains! Donc, le crédule est toujours faible et manipulable surtout
confronté à la quantité d’informations et à leurs formes qualifiantes !
Nous ne pouvons plus qu’ouvrir notre pensée que sur des
absurdes :
Le passage du peintre sur place pouvant dater d’avant 1820,
l’obélisque, ancien repère, un peu rajeuni et retaillé, trouve sa place sur la
fontaine à cette date. Cela existe, nous connaissons ce type de tricherie à
toutes les époques, et c’est une économie conséquente pour une commune, mais
avec une tendance à être trop souvent partagée avec aussi la distribution de
pots de vin.
Le passage du peintre sur place
pouvant dater de 1820, dans le même temps, au moment du transport de
l’obélisque. Celui sur une barge attendant à être levé, attire la curiosité de
l’artiste et qui demande à un matelot si ce long caillou doit remplacer la
balise sur la grève, ici c’est un pays où le Parisien est souvent raillé, et le
marin lui répond par l’affirmative !
Et oui, il est possible
aussi que le peintre ait trouvé plus
intéressant de remplacer un gros bout de bois par l’obélisque de la place
d’armes ! Ou même a-t-il été victime d’un plaisantin qu’il lui aurait
indiqué que l’obélisque était auparavant dans l’eau ! Et le farceur n’en
était, peut-être pas un !
Le grand Devin Shadok , sous les traits de P-J Bugilter, m’a dit que Napoléon pompait. En effet il a pompé un théorème et un problème de géométrie qu'il s’est attribués ! |
Il reste aussi la probabilité que
les deux obélisques ont existé en même temps et le signal fut assez vite
oublié avec les agrandissements consécutifs de la place ! Un recensement
des carrières et de la quantité de pierres dégageables, fut composé pour
s’assurer la faisabilité de la grande digue. C’est énorme, des tonnes de pierre
furent employées, parmi celles-ci des morceaux intéressants, l’un d’eux assez
long, peut avoir été mis de coté, grossièrement remodelé et utilisé pour
remplacer le gros mât de la balise ! Et le peintre l’a sublimé !
Nous écrivons granite avec un E mais dans notre dico de 1900, c’est sans, c’est pas grave ! |
Pour passer à un autre mystère
nous avons cette espèce de fuite de la barquette avec embarqués 4 hommes, 3
femmes et une fillette, dans des conditions atmosphériques difficiles, pouvant
évoquer des personnages particuliers, des princes, des espions, en émigration
et vont-ils rejoindre ce navire au large ou poursuivre ainsi équipés !
Complots, divagations,
hallucinations, délires, élucubrations d’Antoine, radotages et colportages de
toutes sortes, nous pouvons nous les permettre puisque, sans enquête, des
commentaires sont déjà émis par des sérieux !
Alors empruntons aussi cette brèche en indiquant que ce travail articule
des époques et plusieurs pensées en mouvement, le classique jusqu’au baroque,
le romantisme, le pompier avec le kitsch et la longue continuité, en passant
par la consommation de masse, jusqu’à
nos jours avec Disney !Une introduction au surréaliste! |
Il y a donc, maintenant, une conclusion presque une morale
en deux ou trois points :
Ce n’est pas parce que nous
n’avons pas de preuve qu’il n’y a pas, c’est comme le cygne noir!
Il peut y avoir, avec le poète,
des transgressions mais il dit une vérité ! La sienne !
Donc, attention, aux interprétations
trop hâtives !
Car, ici, ce n’est qu’une peinture, la proposition d’un
peintre, il y a mis son savoir-faire, ses influences, ses choix, les tourments de l’incertitude, mu par des
futilités et des choses graves à son regard, et nous sommes en train de l’analyser
comme un document historique! C’est ridicule!
Merci, Bernard!
Et merci Luce pour avoir mesurer le tableau.
Nota : Nous écrivons granite avec un E mais dans notre dico de 1900 c’est sans, c’est pas grave
Autres documents et références ;
Les carteshttp://www.archives-manche.fr/ark:/57115/a011390312820GQtOID/45c42a54d8
http://www.archives-manche.fr/ark:/57115/a0114418082783YRPYV/330d3b056e
http://www.archives-manche.fr/ark:/57115/a011441808251eFBaCW/9b0b10c917
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8442717g/f2.item.zoom plans de 1816
Le plan de l’église après la construction de la tour
d’entrée
L’élévation et la coupe de la tour avant sa démolition (une copie)
Une vue surélevée de la plateforme, dessin de l’époque, vue peut-être du haut d'une des maisons du coin, du bord de l'eau comme nous pouvons les voir sur ce plan de 1816!
Et à consulter wikimanche.fr, les archives de la
Manche, gallica.bnf et bien sûr aller contempler ce tableau, dans un lieu
tempéré, au Musée Thomas Henry à Cherbourg, 5€.
Enfin le document édité pour une exposition « La ville
que nous voyons » Point du jour
http://www.lepointdujour.eu/images/documents/dossier_enseignants_expo_claire_tenu.pdf
(qui n’ont pas fait d’erreur sur le prénom du peintre)
1 commentaire:
Même sur ces choses simples, ils nous mentent ou ils se trompent !
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