dimanche 12 novembre 2006

Surville Manche

De La Hague au Mont Saint Michel, un cordon, presque continu, de dunes d’age Holocène, barre l’accès à la mer. Derrière, à marée basse, un platier rocheux se découvre. Il est formé de schistes et de calcaire de Saint Jean la Rivière, de grés et de granite, et nous pouvons y découvrir des traces de stromatolithes (ce sont des récifs microbiens fossilisés présentant une structure faite de nombreuses et fines lamines et ils sont en grande partie à l’origine de l’oxygène sur terre. Les stromatolithes fréquents dans les sédiments d’age Précambrien, sont parmi les plus anciennes roches fossiles d'origine biologique connues, 3500 millions d'années. )

SURVILLE DANS LE COTENTIN
Pour aborder le village de Surville, nous avons le choix de le découvrir en tracteur par la terre ferme et familière ou drapé de la mystérieuse mer. L’estivant par mode, laissera comme moi, mesurer et dominer le poids de la vague, des pêches à pied dans les rochers, du sable avec, il faut bien le préciser, le varech séchant au pauvre soleil et des dunes, petites cachettes où s’enlacer protégés du vent.
Donc la mer, celle de la manche ouverte sur l’océan.
En mer, le passage au large de Surville entre la cote et Jersey se nomme La Déroute, c’est penser au danger à y naviguer inconsciemment. (maxi. 6 beaufort pour les non professionnels) mais en réalité c’est une passe de secours à l’abri de la grande île, en se méfiant quand même des bas fonds formés par les rochers, de la brume fréquente et des courants de marée. Les amers y sont peu visibles. Cette côte est sans abri contre les vents de l'Ouest au Nord, et on y trouve peu de mouillages.
A la moindre tempête à mer haute, le petit navire pourra se réfugier dans le havre de Surville qui fait partie des havres asséchants de la cote ouest du Cotentin. C’est un hague (sens viking), une baie de sable blanc à l'échouage, lavé par les eaux de la marée, du ruisseau La Dure, des caniveaux, des petits fossés et des trop pleins de La Frette et du Le Duy.
Le Havre de Surville, accessible autrefois aux caboteurs jusqu’au Hamelinet, est non balisé. On y pénètre à Haute mer en empruntant le milieu sud de la passe pour trouver après une forte chicane entre les dunes, un abri naturel au milieu des mielles.
Au coin sud du havre la tour carrée fortifiée de l’église accompagnée du manoir, domine l’espace plan et dégagé d’une petite lande qui s’arrête avec les premières pentes du massif armoricain composé de grés dont les anciennes constructions sont faites.

Eglise de Surville 2005
Pour l’histoire le manoir a appartenu à la famille Bauquet dont était issu un maréchal de camp sous Louis XV.

Les premiers arbres conservent dans leur forme tourmentée la force du vent.
On découvre également une ancienne colonie de vacances dit « le château » et dans les terres à l’abri de la végétation, le village avec maisons, fermes, cafés et pubs, proximité des îles anglo-normandes oblige, preuve d’une vie, d’une agriculture et d’une animation nocturne.

C’est un lieu vide, pour romantiques purs, durs et convaincus, à déconseiller aux vacanciers venant en famille bien que les dunes, la mer chauffée par le Gulf-Tream, la plage et les rochers découverts à marée basse, soient des espaces d’aventures pour les adolescents, d’ailleurs, il est dommage que des villas se soient implantées en pied de dune au lieu dit la Poudrière, et viennent interrompre en le privatisant cet espace privilégié à l’abri des vents dominants.
Au premier souffle, les façades, les calèches, les voitures sont sablées et les écorchés vifs crient de douleur.
Il faut donc y apparaître seul en ténébreux une mèche de cheveux au vent ou en autochtone courbé par le terrassant travail de la terre ou encore en couple courant dans les dunes, nu, pour ne pas former un anachronisme dans ce lieu arrêté, figé, sans histoire.
C’est un monde où les oiseaux de mer remontent les rivières et les marais, et où la terre se mélange à la mer et non sans odeur. L'endroit est tout ce qu'il y a de tranquille, trop tranquille..
Monde fertile, monde inquiétant, monde insolite...de sorcier, de paumés, faut vraiment être con pour demeurer ici.
En espérant vous avoir écoeurés,
JP Guilbert

Note : Pour le varech, la terre en est fertilisée, avec des mélanges de cacas divers, autant vous prévenir….

Avec l’aménagement de la D 650 dite « route touristique » qui a sûrement réduit les échanges biologiques entre les biotopes des mielles et du milieu agricole*, nous pouvons craindre l’arrivée d’un tourisme non averti piétinant les dunes et ne permettant plus la repousse normale des herbes.
La construction de maisons secondaires à la Poudrière en manipulant le bas de la dune pour réaliser les fondations et en amenant une surcharge régulière du piétinement**, participera obligatoirement au changement de la dune.
Il serait dommage que la pointe disparaisse, balayée ou ensablée, il est temps d’observer sérieusement l’évolution du site pour mettre en œuvre une démarche de sauvegarde.
Mais, on pourra toujours mettre cela sur le compte d’une pluie trop abondante ou d’un coup de vent exceptionnel ou les deux, pourquoi pas !

* Et qui a également modifié les données hydrauliques du site
** Sans parler de l’occupation des rochers, et d’une pêche intensive

3 commentaires:

Anonyme a dit…

pas le desir de m'y rendre

Le Chevalier D. a dit…

Voila une description qui correspond à mon ressenti le jour de ma promenade en ce lieu.
Cette partie de la cote Ouest du département de la Manche est magnifique (n'en déplaise à l'Anonyme). Il faut découvrir ce lieu et voir les oiseaux se jouer du vent, déguster le bruit des herbes dans leur balancement et humer l'odeur de la mer si proche.
La randonnée entre l'église fortifiée et la côte est un plaisir que j'aimerai refaire.

Laliochat a dit…

J'ai vécu 17 de mes plus belles années dans la maison en bas des Dunes, la Poudrière entre le havre et la mer. Je dois encore avoir les menus et programmes du hamelinet de l'époque. Merci pour ce texte.
Merci pour ce texte